L’abbaye d’Ebersmunster le cultive dès 823. Plus tard il sera convoité par les diverses seigneuries qui s’abritaient derrière les remparts du Haut-Koenigsbourg, puis, suivant le destin de la forteresse, il sera rattaché à la ville de Sélestat qui le cédera à ses bourgeois après la Révolution française.
Courant spirituel
Classé grand cru en 1992, grâce à la ténacité d’une nouvelle génération de vignerons récoltants, le Praelatenberg, symbolise aujourd’hui ce que le vignoble alsacien a de plus remarquable : ses terroirs et ses hommes. Bien que situé sur le territoire de Kintzheim, il est essentiellement cultivé par les vignerons d’Orschwiller. "Notre commune, au centre géographique de l’Alsace, marque la limite du département du Bas-Rhin, quand la division des bans a été faite nous avons perdu une partie du vignoble qui aurait dûe nous revenir, c’est pourquoi nos vignerons sont allés à la recherche de nouvelles terres afin de perpétuer leur métier," dit Antoine Dauger maître boulanger et historien de la commune. Perpétuer le métier de vigneron en faisant renaître des terroirs prestigieux menacés de sombrer dans l’oubli.
Au cours des siècles, les vins du Praelatenberg, connurent la renommé attachée aux illustres propriétaires du terroir, inspirant les divers courants spirituels et traditions rhénanes qui confluaient vers l’abbaye d’Ebersmunster, ou abreuvant l’humanisme de Sélestat dont le rayonnement littéraire s’étendait sur l’Europe, à l’instar de la notoriété des crus produits dans les collines de "sa banlieue".
"Au siècle dernier, J. L. Stoltz, évoque encore les vertus du Praelatenberg dans son Ampélographie Rhénane", indique Maurice Siffert vigneron-récoltant d’Orschwiller. Mais il y a des époques où la conscience du passé semble se diluer dans la frivolité du présent. Au cours des années 1930, la colline des prélats se retrouve à l’abandon. "Quand les difficultés assaillent la viticulture alsacienne, les industriels de Sélestat délaissent la culture ingrate des terroirs escarpés pour se tourner vers des sources des revenus plus rentables. Ils n’avaient pas la spiritualité des moines", raconte Antoine Dauger.
Conditions idéales
Il y a quelques décennies le Praelatenberg était une immense friche où dormaient les facultés de la nature. Les vignerons d’Orschwiller l’arracheront à sa léthargie, à partir de 1960, en reconstituant le vignoble cep après cep. Sur les 19 ha que compte aujourd’hui le grand cru on trouve la plupart des cépages nobles, même si tous ne sont pas commercialisés en tant que grands crus. "Certaines plantations, comme le Tokay Pinot Gris, sont encore trop récentes pour exprimer les nuances du terroir, mais il ne fait aucun doute que les qualités de son sol siliceux, recouvert de cailloutis ferrugineux et de grains de quartz, tout comme son ensoleillement, Est-Sud-Est, sont des conditions idéales pour des vins de grande typicité, explique Raymond Engel d’Orschwiller, pour ma part, ajoute-t-il, je me limite actuellement aux Rieslings et Muscats issus des plus vieilles vignes".
Il appartient à chaque vigneron de trouver le meilleur équilibre entre le cépage et le terroir, estime Claude Bleger :"en ce qui me concerne je ne revendique que les Gewurztraminer. Ce cépage me parait particulièrement adapté aux terrains relativement lourds du grand cru."
Qualité irréprochable
“Le Praelatenberg peut en fait accueillir les plus grands cépages, à condition qu’on les sélectionne rigoureusement au départ et que l’on attende un certain nombre d’années pour avoir le recul nécessaire qui permet de comparer les divers millésimes”, ajoute Allian-Laugner, un autre vigneron-récoltant d’Orschwiller. Autrement dit c’est dans la continuité que l’on peut véritablement juger le travail accompli.
Cette continuité est d’autant plus nécessaire que le grand cru est injustement méconnu. "Nous devons nous affirmer avec le temps en offrant un niveau de qualité irréprochable", déclare Maurice Siffert. “Cela demande une conduite attentive de la vigne”, poursuit-il, la plantation, la taille, la surface foliaire, le travail du sol, l’enracinement des ceps, et bien sûr les rendements déterminent la personnalité du vin et par conséquent l’expression du terroir.
Il y a aussi les soins à apporter aux fruits de la vigne. "Il faut savoir attendre la maturité biologique du raisin qui permet d’avoir la meilleure concentration d’arômes et le meilleur équilibre entre sucre et acidité, c’est-à-dire la limite avant que ne commence la surmaturation, lorsque la grappe est bien lignifiée, les baies uniformes et qu’il n’y a plus aucune amertume dans le fruit". En goûtant minutieusement les raisins le vigneron suit l’évolution des arômes et apprend à connaître sont vin avant que la vendange n’ait eu lieu. : "Toutes les saveurs que l’on veut trouver plus tard dans la bouteille, doivent s’exprimer déjà dans le fruit", dit Allian-Laugner.
Choyés par les vignerons-récoltants, comme jadis ils l’étaient par les moines d’Ebersmunster, les vins du Praelatenberg deviennent des modèles d’harmonie, d’équilibre et de concentration. Les Gewurztraminer sont un véritable plaisir pour le palais ; les Rieslings, aux senteurs minérales, longs en bouche et bien charpentés, sont remarquables de finesse. Comme toutes les belles choses, les vins du Praelatenberg demandent du temps pour naître et de l’amour pour s’épanouir.
Vous pouvez lire l'Avis du Connaisseur sur les vins issus de ce terroir.
Victor CANALES
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